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AboHarcèlement au Japon
Les agresseurs ouvrent «la saison de la chasse aux jeunes filles»

Les harceleurs, appelés «chikan», vont jusqu’à repérer les jours où des concours universitaires ont lieu et les lignes que les étudiantes vont emprunter pour s’y rendre.  

«En temps normal, je suis tout sauf rassurée quand je prends le train ou le métro aux heures de pointe mais, là, d'ici à la fin février, à coup sûr, je vais être terrifiée.» Sakurako, 15 ans, n’en «mène pas large». Et pour cause: le mois prochain, cette collégienne tokyoïte va présenter le concours d’entrée à un lycée prestigieux de la capitale. Sa grande sœur, Noriko, lycéenne âgée de 17 ans, est également «dans tous ses états», car l’examen d’entrée à l’université où elle rêve d’étudier approche à grands pas.

«Des pervers vont tenter de profiter de ma vulnérabilité au moment où je prendrai le train pour me rendre à cet examen fatidique.» 

Noriko, lycéenne de 17 ans

«C’est l’échéance de ma vie», explique la jeune fille. «Mais des pervers risquent de m’empêcher de faire mes preuves», fulmine-t-elle. «Ils vont tenter de profiter de ma vulnérabilité au moment où je prendrai le train pour me rendre à cet examen fatidique.» «Ces chikan, on les déteste!» ajoute Sakurako. «Ce sont des hommes sans pitié ni scrupules, qui sont prêts à la fois à nous traumatiser à vie et à mettre par terre notre parcours scolaire.» 

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«Bons tuyaux»

Le terme japonais chikan désigne les hommes qui tirent parti de la cohue dans les transports publics aux heures de pointe pour y agresser sexuellement les femmes. Ils profitent de la densité de la foule et de la promiscuité qu’elle induit pour se livrer à des attouchements. Souvent, aussi, ils prennent des photos qui attentent à l’intimité des usagères: des clichés d’écolières en uniforme (une jupe plissée assez courte), par exemple. Ou ils se placent sciemment derrière les femmes qui sont en train de gravir des escaliers ou d’emprunter des escalators puis, grâce au dénivelé, tentent de filmer sous leur jupe à l’aide de caméras miniatures. 

En cas de harcèlement, certaines étudiantes préfèrent ne pas porter plainte pour ne pas arriver en retard à leurs examens.   

Chaque hiver, à l’approche des concours d’admission aux universités et aux grandes écoles, ces chikan s’échangent fiévreusement «les bons tuyaux», comme ils disent, sur le dark web, les réseaux sociaux ou les messageries instantanées. Ils repèrent les jours et les heures où les épreuves sont programmées ainsi que les lignes de train ou de métro que les jeunes filles vont emprunter pour s’y rendre.

Le moment venu, les intéressées seront particulièrement vulnérables. En effet, arriver en retard à ces examens les contraindrait à attendre une année entière avant d’être autorisées à les présenter. Elles ne peuvent donc pas se permettre de dénoncer leurs agresseurs, car cela suppose de passer des heures au commissariat. «La chasse aux jeunes filles est ouverte!» se sont réjouis dernièrement des chikan sur Twitter. En riposte, les autorités ont lancé une grande campagne de prévention et de sensibilisation

«Neuf usagères agressées sexuellement sur dix ne portent pas plainte.»

Une association d’aide aux femmes victimes de violences 

À l’échelle du pays, les agissements de ces prédateurs donnent lieu à 2000 poursuites judiciaires par an environ, sans compter les quelque 300 cas annuels d’outrage aux bonnes mœurs qui sont déplorés dans les transports publics nippons (exhibitions sexuelles, etc.). «Ce n’est que la pointe de l’iceberg», selon une association d’aide aux femmes victimes de violences. «Neuf usagères agressées sexuellement sur dix ne portent pas plainte. Ce chiffre de 2000 reflète donc tout sauf la réalité.» 

Pour combattre le fléau du harcèlement, certaines lignes de métro et de train ont instauré il y a quelques années des wagons réservés aux femmes, mais seulement durant les heures de pointe.

Assurances pour hommes 

Les sondages le confirment. Deux tiers des usagères régulières des transports publics disent y avoir déjà été victimes d’agressions sexuelles. C’est aussi le cas de trois quarts des usagères âgées d’une vingtaine d’années. Une application pour smartphone a donc été mise au point, qui permet aux victimes d’attouchements de prévenir la police en temps réel puis, grâce à la géolocalisation de leur smartphone, d’être rapidement assistées.  

Des hommes se sentent désécurisés par cette mobilisation contre les chikan. Pour preuve, les assurances spécialement conçues pour les usagers craignant de se voir imputer des attouchements remportent un grand succès. Certains hommes jouent même les victimes. Ainsi, il y a quelques années, un groupuscule mené par un quidam qui se faisait appeler «Dr Discrimination» milita contre les rames réservées aux femmes pendant les heures de pointe, les jugeant contraires au principe constitutionnel d’égalité entre les sexes. Il saisit également la justice, sans succès, pour obtenir leur interdiction. 

Certains hommes vont jusqu’à réclamer que l’on crée des rames qui leur seraient exclusivement réservées, ce qui leur assurerait de ne pas être injustement accusés par des usagères. Selon un sondage, une majorité de Japonais approuverait une telle évolution qui, de facto, instituerait un apartheid hommes-femmes dans les transports publics de l’archipel. 

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