«Le demi d'ouverture, c'est... celui qu'on ''fusille'' en premier si ça ne va pas. C'est un poste à responsabilité. Le 10 centralise les informations, il est le ''penseur'', le stratège. Pour orienter le jeu, il doit analyser les situations très vite et avoir d'énormes qualités pour entraîner son équipe : jeu au pied, vitesse, qualité de passe, physique. Aujourd'hui, on lui demande aussi beaucoup sur le plan défensif. Le rugby actuel laisse très peu de place au hasard. La vidéo permet de décortiquer le jeu de chaque équipe et de chaque joueur. Etablir une stratégie est devenu facile. La différence dans un match se fera sur un rebond ou une situation de jeu mieux maîtrisée. Le demi d'ouverture étant le conducteur du jeu, son importance n'a pas décru... Quand le 10 reçoit le ballon, le choix qu'il fera dépend d'une longue liste de paramètres : la vitesse du ballon, la zone dans laquelle il se trouve, ce qui se passe derrière, et évidemment les consignes. Par exemple, lors de la demi-finale de la Coupe du monde 1999 contre la Nouvelle-Zélande, la stratégie était de lober Lomu, de le faire courir, car il n'était pas très endurant. Cela veut dire, plus de jeu au pied... quand c'est possible. Le demi d'ouverture fait le parallèle entre ce qui a été établi sur le tableau noir et la réalité.
«On ne naît pas demi d'ouverture, on le devient»
«Cependant, le 10 n'est pas forcément le seul relais de l'entraîneur sur le terrain. Cela concerne toute la charnière. Je crois davantage à la théorie de la colonne vertébrale (2-8-9-10-15), qui rassemble les hommes-clef et les leaders naturels. Il ne faut pas surestimer l'importance des affinités avec le demi de mêlée. Tout est planifié dans le rugby d'aujourd'hui, on raisonne parfois sur huit temps de jeu. Le 9 et le 10 ont chacun leur rôle. Ils le connaissent. La complicité entre les deux me semble moins capitale aujourd'hui.
Le fait d'être buteur est souvent associé au poste, mais ce n'est pas systématique. En finale en 1999, Burke était le buteur australien et il jouait arrière. On voit aujourd'hui des demis de mêlée ou des centres frapper au but. Dégager le demi d'ouverture de cette responsabilité pour économiser sa concentration n'est pas une mauvaise idée. Mais il faut distinguer le fait de buter et jouer au pied dans le jeu : sur cet aspect-là, le demi d'ouverture doit forcément être performant. On dit souvent qu'un demi d'ouverture doit avoir de l'expérience, et c'est vrai. Il faut souvent attendre 25, 26, 27 ans, parfois plus, pour acquérir le recul nécessaire. On ne naît pas demi d'ouverture, on le devient, après avoir apprivoisé un à un tous les aspects de ce poste.
«Un polyvalent comprend mieux les autres»
«Est-ce un poste créatif ? Oui, mais beaucoup moins que les trois-quarts aile. Le rôle du 9 et 10 est essentiellement d'éjecter le ballon, pas de créer, de percer la ligne de défense, de se faufiler entre les plaquages. Le 10 est aussi souvent assez polyvalent, c'était mon cas (centre ou arrière). C'est quelque chose qu'on n'accepte pas toujours, dans une carrière. On est bon partout, mais on ne se fait de réputation nulle part, donc on n'est pas retenu. Avec le recul, j'encouragerais un jeune joueur à la polyvalence, pour l'expérience qu'elle permet d'acquérir à tous les postes. Le Stade français, voire la Nouvelle-Zélande, donnent un aperçu de la richesse qu'offre un effectif de joueur polyvalents pour peu que l'entraîneur sache l'utiliser. Un polyvalent comprend mieux les autres, a plusieurs points de vue sur les situations de jeu, et un bagage technique plus complet. Pour le stratège qu'est le demi-d'ouverture, c'est forcément un plus.»